La maison médicale La Passerelle monte un projet visant à améliorer les compétences et les ressources des patients et des soignants dans la prise en charge des douleurs. Une approche globale et pluridisciplinaire soutenue par la Fondation Roi Baudouin.
Le partenariat patient ? Ce concept a été présenté à une journée qualité organisée par la Fédération des maisons médicales il y a quelques années. Il s’est transformé pour moi en vision d’avenir et en envie de développement actif dans ma maison médicale. Une véritable révolution ! Bien sûr, la démarche d’autonomisation et la citoyenneté sont des valeurs inscrites dans les chartes des maisons médicales ; le partage des décisions est déjà visé en consultation, et l’implication des patients de manière générale et spécifique est soutenue. Mais il s’agit ici d’aller encore plus loin, de laisser la vision du « patient au centre » pour aller vers une relation de soins réellement partenaire et un engagement politique plus conscient et orienté vers le développement de réflexions et d’outils concrets soutenant le partenariat. Une utopie ? Plutôt une graine qui germera patiemment, avec conviction ! Depuis 2018, la coordinatrice de la santé communautaire et moi-même nous questionnons, réfléchissons. Voici le trajet que nous avons décidé de suivre pour tenter l’expérience.Premières étapes (janvier-août 2019)
Première étape : une trentaine de participants, membres de l’équipe et patients, ont assisté à une conférence qui a permis de mettre en lumière l’intérêt de cette démarche du côté des patients et de mieux comprendre le concept. Deuxième étape : inclusion du partenariat comme axe de travail dans la démarche d’amélioration de la qualité de nos soins déjà en route dans la maison médicale. La démarche qualité est soutenue notamment par des « groupes qualité ». Ils sont composés depuis trois ans de trois thérapeutes, dont deux qui changent à chaque projet (d’une durée de trois mois à un an). Ces groupes réfléchissent à certains thèmes prédéfinis en assemblée générale, avec l’équipe, à l’amélioration des soins que nous pouvons offrir aux patients les plus fragiles, les plus vulnérables. Lors d’un travail sur le thème de l’amélioration des prises en charge des patients souffrant de maladies chroniques, l’analyse des motifs de consultations les plus fréquents a montré que la douleur revenait fréquemment. Une enquête a également montré que, selon les soignants, les pathologies avec des douleurs chroniques comptaient parmi les plus lourdes à prendre en charge. Un groupe qualité a donc été mis en place avec les patients sur le thème de la douleur, avec la volonté d’y travailler conjointement le partenariat. Troisième étape : recherche de littérature et définition des objectifs du projet (en particulier concernant la participation). Il s’agit de l’inclusion de deux patients partenaires dans le groupe, de la mise en place d’une enquête soignants- patients comme moyen de faire participer également les patients cibles, et du développement en priorité de moyens d’amélioration du partenariat en consultation (lexique, information commune, amélioration des compétences). Quatrième étape : nous avons suivi une procédure spécifique pour sélectionner les patients partenaires du groupe. Nous avons établi un descriptif de collaboration reprenant les objectifs, le motif de sollicitation des patients, la collaboration (temps demandé, horaire…) ainsi que des critères de sélection (expérience de vie avec la douleur, état de santé stable, expérience, implication et proaction dans ses soins dans et hors de la maison médicale, esprit critique constructif, capacité de distanciation, d’écoute, d’expression, désir d’aider les gens, disponibilité, motivation, travail possible avec un soignant qu’ils connaissent éventuellement dans les soins). Les soignants du groupe ont identifié des patients qui pourraient correspondre et leur ont demandé si un travailleur pouvait les contacter au sujet d’un projet sur les douleurs. La responsable du groupe a lancé un appel de présélection pour leur présenter le descriptif et répondre à leurs questions puis elle a rempli une fiche avec une appréciation par rapport aux critères de sélection. Après un retour en groupe des appels et la sélection des patients, des entretiens ont été menés afin de réexpliquer le projet et signer un accord de confidentialité. Étapes en cours et à venir (jusqu’en juin 2020) Nous travaillons à la conception du projet, à la mise à jour des objectifs avec les patients partenaires, à l’élaboration des critères d’évaluation et à la rédaction d’une définition commune de la douleur (aiguë, chronique). Nous construisions une enquête par questionnaire pour les patients cibles de la maison médicale et les soignants. Il explore la satisfaction par rapport aux prises en charge des douleurs actuellement. Les questions portent sur les dimensions de globalité, de pluridisciplinarité, d’autonomie et d’empowerment dans la gestion de la douleur, et les impacts dans le quotidien. Il explore également les expériences de prises en charge et de vécu – des plus classiques aux non conventionnelles – et les besoins éventuels pour leur amélioration. Cette partie du questionnaire devrait nous permettre de mieux cibler les actions à mettre en place : un cahier de suivi pour la maison médicale et les spécialistes ? Des outils d’information (brochure, vidéo, roman-photo) ? Des formations ? Des activités collectives ? Une liste de références internes/externes ? Ce questionnaire coconstruit a été passé au « détecteur » de vocabulaire : est-il compréhensible ? Reste à mettre en place les actions définies selon les résultats de l’enquête, et à évaluer !Évaluation intermédiaire
Jusqu’à présent l’expérience est très satisfaisante. Tout d’abord, c’est très agréable de travailler avec des patients et de les rencontrer autrement. Ensuite cela nous oblige, les soignants, à toujours garder en tête que c’est de leur réalité dont nous parlons, et le travail prend un autre sens… Raphaël Copes n’est patient de la maison médicale que depuis un an, mais il vit avec la douleur depuis bien plus longtemps. « Je participe avec plaisir au projet qui se met en place, dit-il. Dans les réunions, je partage mon vécu sur la gestion de la douleur, sur les rapports avec les spécialistes, les médicaments et bien d’autres encore. » Il parle aussi du recul que cela lui permet de prendre par rapport à sa santé et de l’aide apportée aux autres patients pour élargir leurs horizons « thérapeutiques », pour oser exprimer leur vécu et leurs besoins face aux soignants. Et aussi pour transmettre un message aux soignants : « Nous sommes les seuls à comprendre ce que nous vivons ! » Ces discussions ont déjà permis de mieux comprendre et mieux appréhender les questions à poser pour l’enquête et en rendre la forme compréhensible et accessible. Un autre constat est que le temps passé à l’approche conceptuelle et idéologique, à la définition des objectifs et à la structuration, a paru long aux patients. Le groupe est donc passé avec entrain à la phase de développement. Et nous sommes impatients de récolter et d’analyser les résultats de l’enquête et de définir les actions à mettre en place dans les mois qui viennent.Des questions en suspens
Il reste des points à régler, des questions à se poser, des évaluations qui seront difficiles à mener sur certains points. Arriverons-nous réellement à mettre les soignants et les patients dans une position confortable pour des échanges vrais ? Comment préserver les données confidentielles en faisant participer les patients aux enquêtes et aux discussions ? Quel impact sur la relation thérapeutique de ces patients et de leurs soignants ? Le temps et l’énergie investis dans ce groupe auront-ils apporté une réelle plus-value ? Nous espérons mener à bien cette expérience, répondre à ces questions et continuer à évoluer et explorer ces nouveaux horizons du partenariat et au-delà de citoyenneté et d’humanité. Avec les patients bien entendu !Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°88 - septembre 2019
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