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Le titre de ce dossier évoque un changement, c’est en réalité de transformations sociétales dont il est question. Le travail social, lui, s’adapte et se redéfinit à travers elles. Il est un indicateur de l’état de notre société. Quelles formes prennent ces mutations ? Elles se dessinent à travers les crises (pandémie, énergie, climat, tensions mondiales…) qui se succèdent, s’accumulent, se sédimentent et rendent le travail social complexe. Elles s’inscrivent dans un paysage politique qui tend à conditionner les aides aux plus précarisés, à rendre leur accès plus compliqué et à stigmatiser les bénéficiaires. Plus de règles, donc plus de contrôles aussi. Par définition. Bénéficier d’une aide sociale, c’est subir une double peine : la précarité et le rejet social. Au carrefour de ces pertes, les travailleuses et les travailleurs sociaux, les « AS » tentent de tisser des liens, de jeter des filets là où les usagers ont entamé leur chute. Mais travailler le social sans s’attaquer aux causes structurelles de la précarité, c’est un peu comme vider l’océan à la petite cuillère. C’est long, c’est lent, c’est épuisant…

Un métier en miroir

Les assistantes sociales, les assistants sociaux subissent eux aussi la pression du système, quel que soit le type de structure dans laquelle ils travaillent. Problématiques de plus en plus composites, procédures fastidieuses, fracture numérique… la liste non exhaustive des obstacles rend la fonction peu attrayante, car elle s’éloigne de facto de ce qui l’anime : la restauration de la dignité et le respect des droits fondamentaux. Face au nombre de dossiers traités par les CPAS notamment, face au nombre de demandes pour obtenir un logement social, face au nombre grandissant aussi de personnes en déshérence, le défi est de taille et le métier est aujourd’hui déclaré en pénurie. Non que les écoles se vident, mais parce que le job fragilise jusqu’à ses exécutants. La précarité se faufile dans certains services où les subsides sont temporaires ou limités à une législature et où les appels à projets énergivores occupent le temps qui devrait être consacré à l’aide et à l’accompagnement. Pire, sans dénonciation des causes de la précarité, et sans action pour les enrayer, le travail social risque de servir les défaillances du système en les palliant, les cautionnant en quelque sorte. Réconcilier action sociale et action politique n’a jamais été aussi urgent.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée,