L’approche globale de la santé et de tous ses déterminants est affaire d’intégration horizontale intersectorielle, mais, dans une Europe des régions, où le centralisme d’Etat n’est plus la norme de l’organisation publique, où cohabitent des états (con)fédéraux, où certains états se restructurent, ou se déstructurent, c’est aussi une affaire d’intégration verticale des niveaux de l’action publique.
Cette transversalité, il convient de l’inscrire dans la plomberie institutionnelle de l’action publique. Et, en plus, dans une installation de plomberie qui change. On ajoute des appartements, on relie des immeubles, on ajoute des radiateurs, on crée des kots, des lofts. Forcément, on oublie des baignoires qui débordent et des chasses d’eau qui fuient, on n’a pas toujours la pression qu’il faudrait à chaque étage. Nous avons appris, au colloque international Mons 2008, que ça s’appelait la gouvernance multi-niveaux ! Alain Poirier1 a essayé, à partir de l’exemple québécois, d’éclairer des principes de cette articulation. Bien entendu, l’enjeu et la principale difficulté, c’est la subsidiarité. C’est de donner à chaque niveau le rôle adéquat, selon ses compétences et ses moyens, en complémentarité avec les autres. Et de faciliter l’articulation, le passage de l’un à l’autre, sans y dépenser toutes les ressources du système. La rencontre de cet enjeu dépend à l’évidence de la cohérence des principes et de la cohésion entre acteurs. Il faut une volonté politique forte, fondée sur une vision commune. Vu de Belgique au sein de l’Europe début 2010, ça paraît difficile. Mais l’histoire avance. Une démarche comme celle sur une loi-santé semble pouvoir favoriser un accord politique au niveau national sur des objectifs et des stratégies qui rencontrent un très large consensus scientifique. Ce cadre national, j’ose ce mot obscène, puisque, en fin de compte, l’état belge existe bel et bien ; ce cadre national est peut-être l’échelon manquant entre des cadres européens, des initiatives régionales et des dynamiques locales aux références largement communes. Déclaration sur la santé mentale pour l’Europe Relever les défis, trouver des solutions La conférence dite d’Helsinki réunissait début 2005 les ministres de la Santé des États membres de la Région européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en présence du commissaire européen pour la Santé et la Protection des consommateurs, conjointement avec le directeur régional de l’OMS pour l’Europe, dans le cadre de la Conférence ministérielle de l’OMS sur la santé mentale. Cette conférence est le point de départ d’une série de démarches des États, comme l’actuelle réforme belge. On y trouve beaucoup d’éléments qui, mis à part la restriction à la thématique santé mentale, sont constitutifs d’une démarche publique telle que nous l’étudions ici pour la santé en général. En préambule, les participants reconnaissent que « la santé mentale et le bien-être mental sont des conditions fondamentales à la qualité de la vie et à la productivité des individus, des familles, des populations et des nations, et confèrent un sens à notre existence tout en nous permettant d’être des citoyens à la fois créatifs et actifs ». La conférence estime, en outre, que « l’objectif essentiel des actions menées dans le domaine de la santé mentale est d’améliorer le bien-être et le fonctionnement des populations en mettant en évidence leurs points forts et leurs ressources, en accroissant leur résilience et en stimulant les facteurs de protection externes ». Priorités Parmi celles définies par la conférence :- « mieux faire comprendre l’importance du bien-être mental ;
- lutter collectivement contre la stigmatisation, la discrimination et l’inégalité, et responsabiliser et soutenir les personnes atteintes de problèmes de santé mentale et leur famille de manière à ce qu’elles puissent participer activement à ce processus ;
- concevoir et mettre en oeuvre des systèmes de santé mentale complets, intégrés et efficaces englobant la promotion, la prévention, le traitement, la réadaptation, les soins et la réinsertion sociale
- tenir compte des répercussions potentielles de l’ensemble des politiques d’intérêt public sur la santé mentale, et particulièrement leur impact sur les groupes vulnérables, tout en démontrant le rôle central de la santé mentale dans l’édification d’une société en bonne santé, ouverte à tous et productive ;
- mettre en place une collaboration, une coordination et une volonté politique entre les régions, les pays, les secteurs de la société et les organismes compétents de manière à influencer la santé mentale et l’intégration sociale des individus et de leur famille, de certains groupes à risque et des populations
- coordonner, à l’intérieur du Gouvernement, les responsabilités en matière de formulation, de diffusion et de mise en œuvre des politiques et de la législation dans le domaine de la santé mentale ;
- évaluer les effets des actions menées par les pouvoirs publics sur la santé mentale ;
- promouvoir la santé mentale dans le monde de l’enseignement et du travail, dans la société et dans d’autres contextes en développant la collaboration entre les instances responsables de la santé et d’autres secteurs concernés ;
- empêcher l’apparition de facteurs de risque là où ils se trouvent, notamment en favorisant le développement d’un milieu professionnel propice à la santé mentale, et en appuyant la mise en place d’aides et de conseils sur le lieu de travail ou, une fois le processus de guérison terminé, le retour à la vie professionnelle dans les plus brefs délais ;
- œuvrer à la prévention du suicide et à la lutte contre les causes du stress mettant en danger la santé mentale, de la violence, de la dépression, de l’anxiété et des troubles liés à l’utilisation d’alcool et d’autres substances psycho-actives
- Élaboration de politiques et de services ;
- Appuyer les gouvernements en offrant l’expertise nécessaire pour soutenir une réforme de la santé mentale par la mise en oeuvre de politiques efficaces incluant la mise en place d’une législation, la création de services, la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux
- d’identifier des acteurs locaux issus de différents secteurs ;
- de donner une plus grande visibilité et accessibilité à l’information et aux ressources existantes ;
- de fédérer des acteurs locaux dont les actions ont un impact sur la santé et sur la qualité de vie des citoyens de leur territoire ;
- de développer un effet « caisse de résonance » pour les activités organisées par les différents secteurs : visibilité et reconnaissance à plus grande échelle, meilleure diffusion de l’information, association positive à une démarche symbolisant le dynamisme, la collaboration et la mobilisation d’une région ;
- de réaliser des économies d’échelle par la mutualisation des ressources et des compétences.
- la mise en commun des ressources, des connaissances et de l’expertise de chaque secteur, afin de construire une vision globale des problématiques qui les intéressent ;
- la mise en place de projets ou d’interventions basés sur cette vision globale et intersectorielle ;
- la connexion entre réseaux, via l’appartenance des membres de la plate forme à différents réseaux existants ;
- la mise à disposition des capacités et des moyens permettant d’agir sur des problèmes complexes qui ne peuvent être résolus par un seul secteur ;
- le développement, par le maillage des institutions, d’une capacité de réaction et de mobilisation rapide permettant, par exemple, de réagir à des situations « urgentes », de se placer au mieux sur différents appels à projets …
Documents joints
- Alain Poirier, directeur national de Santé publique et sous-ministre adjoint, Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, La gouvernance multiniveaux et l’amélioration de la santé de la population, Des stratégies pour agir efficacement sur les déterminants de la santé ; http:// www.mons2008.info/ files/actes/ Poirier_03.pdf
- http:// www.hainaut.be/ sante/osh
- Extrait de la charte de la plate-forme.
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 52 - avril 2010
Les pages ’actualités’ du n° 52
Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques
Agir sur tout ce qui détermine la santé implique de déployer des approches intégrant les dimensions communautaires et politiques.
Pour un bon usage du médicament en Belgique
Le médicament n’est qu’un des moyens, parmi d’autres trop souvent laissés au second plan, dont disposent la médecine et la société pour améliorer la santé des gens. S’il peut avoir de grandes vertus, il est rarement(…)
Psychiatrie : l’amorce du virage ambulatoire
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande, depuis plus de 10 ans déjà, de sortir des logiques hospitalières pour favoriser, tant que possible, l’accompagnement des personnes qui présentent des troubles mentaux, dans leur milieu de vie.(…)
Santé et santé mentale, une question anthropologique ?
Fondement occidental d’une vision contemporaine de la santé, la définition avancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en explicite une lecture positive s’appuyant sur un bien-être physique, psychique et social. Toutefois ce bien-être est difficile(…)
Les soins de santé primaires : maintenant plus que jamais
Trente ans après Alma-Ata, soixante ans après la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le dernier rapport sur la santé dans le monde clame la pertinence et l’actualité des soins de santé primaires (SSP).(…)
Le monde des études d’impact sur la santé (EIS)
Etudes d’impact sur la santé : du pourquoi au comment
Depuis plus d’un demi siècle, il est communément admis que la santé déborde de beaucoup le champ de la médecine et convoque le social, l’économique, l’environnemental, le politique et nombre d’autres domaines. Jusqu’il y a peu,(…)
Le téléphone cellulaire au volant
Au Québec, nous avons accompli d’importants progrès en matière de sécurité routière. Dans les années 1970, nous avons atteint des records en termes de mortalité, avec plus de 2 000 morts par an sur les routes.(…)
Perspectives pour une loi-santé en Belgique
Opportunités pour une loi-santé
L’idée de la loi-santé est de faire en sorte que chaque initiative prise par le Gouvernement fasse l’objet d’un avis du ministre de la Santé. C’est une revendication de la Fédération des maisons médicales, exprimée dans(…)
Le 09 du 09 2009
Le principe d’une loi-santé, axée pas uniquement sur le soin est difficile à discuter avec des citoyens non spécialistes de la santé, tant les représentations sont ancrées. Pourtant, une telle mesure répond aux demandes que le(…)
Loi-santé : des enjeux culturels
La loi-santé, une idée toute simple mais qui paraît si compliquée à mettre en œuvre. C’est que c’est à un véritable changement de paradigme que doivent travailler nos politiques !
Pour un plan national Santé
La Plate-forme d’action santé et solidarité organisait, en mars dernier, une table ronde sur trois propositions qui mettent en œuvre une perspective d’action publique transversale sur la santé.
ECOLO veut une loi-santé
L’introduction d’une loi-santé implique de repenser les fondements de l’action publique en santé.
Contre les inégalités en santé
En 2007, la Fondation Roi Baudouin initie un groupe de travail composé de représentants du secteur de la santé et de l’aide sociale au sens large – dont des pouvoirs publics, des mutuelles, des associations, des(…)
Quels sont les obstacles structurels à la mise en oeuvre d’une loi-santé en Belgique ?
Quels sont les obstacles structurels à la mise en place d’une loi-santé en Belgique ? Pour Ri De Ridder, « il n’y a pas d’obstacle structurel à la mise en place d’un dispositif transversal pour définir(…)
D’un niveau l’autre
L’approche globale de la santé et de tous ses déterminants est affaire d’intégration horizontale intersectorielle, mais, dans une Europe des régions, où le centralisme d’Etat n’est plus la norme de l’organisation publique, où cohabitent des états(…)
Introduction
Sources
Quelques sources utilisées pour construire ce cahier
– Guide pratique : Évaluation d’impact sur la santé lors de l’élaboration des projets de loi et règlement au Québec : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2006/06-245-01.pdf – Les expériences d’évaluation d’impact sur la santé au Royaume-Uni et leur traduction dans(…)