L’asbl Nos Oignons permet à des usagers de structures de soins de cultiver leurs aliments sur les terres d’agriculteurs bio souvent isolés. Le projet évolue à contre-courant d’un système de soins de santé mentale que le politique souhaite de plus en plus standardisé et evidence-based.
L’asbl Nos Oignons voit le jour en 2012. Elle propose à des personnes qui fréquentent des institutions de soins en santé mentale de participer à des potagers collectifs dans le Brabant wallon en travaillant avec des maraîchers bio du coin. Au coeur de la démarche, créer un espace de rencontre entre des acteurs a priori éloignés les uns des autres. « La connexion entre les deux se fait autour du besoin de sortir de l’isolement, de s’inscrire dans un réseau », explique Samuel Hubaux, coordinateur de l’asbl. Un des fondements du projet : chacun y participe selon ses besoins, selon son rythme. Certains participants viennent toutes les semaines, d’autres de temps en temps. « C’est très modulable, un programme de fréquentation est adapté en fonction de la situation spécifi que de chaque personne. Mais un rythme s’installe naturellement de par la nature de l’activité, précise Samuel Hubaux. Si on veut voir l’évolution de son travail, si on veut une récolte, il faut revenir. » L’activité maraîchère est une invitation à revenir. « Les personnes qui fréquentent un service de santé mentale ont parfois besoin d’un petit temps pour se trouver à l’aise dans le contexte protégé d’une institution. Un projet comme le nôtre leur permet de ressortir de chez elles, de retrouver une activité, un rythme, ajoute-t-il. Mettre les mains dans la terre, se remettre en action ensemble dans la nature, au rythme des saisons, ce sont des gestes qui ancrent. » Retrouver un rythme, se sentir utile, reprendre confi ance en soi, mais aussi (re)prendre contact avec une alimentation de qualité… toute une série d’eff ets positifs du maraîchage chez des participants fragilisés. Pour certains d’entre eux, le projet a même ouvert les portes de la formation et de l’insertion professionnelle. De leur côté, les agriculteurs sont aussi demandeurs de lien social et ils transmettent volontiers leur savoir-faire et leur amour du métier qu’ils retrouvent parfois en le partageant. Le projet prend soin (care) de ses participants plus qu’il ne soigne (cure). Ses eff ets sont diffi cilement mesurables. « On essaye de réinventer le travail social », dit Samuel Hubaux. Mesurer l’impact de manière quantitative ? « C’est une démarche déplacée, explique-t-il. Nous travaillons souvent avec des personnes en décrochage, qui ont très peu d’estime d’elles-mêmes. Nous leur permettons de reprendre le temps pour ‘repartir’. On a essayé de créer un espace en dehors du champ de la monétarisation, basé sur les échanges entre les participants et les agriculteurs. On a posé quelque chose dans le paysage et nous avons suffi samment de réactions enthousiastes pour se dire que cela a du sens. » Aujourd’hui le projet se développe et essaime. Enraciné dans le Brabant wallon, notamment à Nethen, Bousval et à Haut-Ittre, il repose sur des partenariats avec le Club Antonin Artaud, à Bruxelles, et des centres de santé mentale à Jodoigne, Wavre, Ottignies, Nivelles, Tubize et Braine-l’Alleud. Nos Oignons a récemment mis sur pied une collaboration avec le CPAS de Tubize dans le cadre de son projet d’insertion sociale ouvert à ses bénéfi ciaires mais aussi plus largement à ceux des CPAS des alentours. Point de jonction entre agriculture durable, travail social et santé, le projet de Nos Oignons permet à ses participants un retour à la nature et, par là, à une certaine forme d’humanité.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 79 - juin 2017
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