La place de l’informatique dans la relation de soins. Point de vue des patients
Gaëlle Chapoix
Santé conjuguée n° 58 - octobre 2011
Quel est le point de vue des patients sur la place prise par l’informatique dans la relation de soins ? La question a été discutée avec une vingtaine de patients de 25 à 85 ans, dont l’utilisation privée d’un ordinateur allait de « rien » à plusieurs heures par jour. Si les discussions, menées dans deux maisons médicales, ont pris chacune une teinte particulière, les convergences sont nombreuses. L’utilité de l’informatique et la vigilance à maintenir au niveau de la confidentialité et du rapport humain sont ressorties à l’unanimité. Des questions et des inquiétudes sur la place de l’informatique dans la société au sens large et dans la vie de chacun ont été exprimées.
L’informatique, c’est bien pratique : les avantages de l’outil A l’énoncé de la thématique de la discussion, c’est à l’unanimité que sont pointées l’utilité et l’importance de l’outil, voire son caractère incontournable, pour le médecin comme à l’accueil pour la gestion des rendez-vous. Perçue comme une adaptation à l’air du temps (« La maison médicale évolue, comme dans les autres sphères » ; « On ne sait plus se passer d’un ordinateur »), l’informatisation des soignants et des dossiers médicaux est d’emblée considérée pour ses avantages concrets en termes d’accès à une information rapide et complète d’où découle une efficacité accrue de la prise en charge. Les participants citent un gain de temps dans la gestion des demandes de rendez-vous et dans la consultation du dossier médical par le médecin traitant. Celui-ci a accès aisément aux résultats d’examens divers (analyses, radios, scanners…), ne doit plus fouiller des dossiers papier, déchiffrer des écritures manuscrites… Le gain de place est aussi noté.« On appelle, nom, date de naissance et hop ! ». « C’est plus facile aussi pour les pharmaciens 😉 ». « Mon dossier serait un grimoire, surtout avec les enfants en plus ». « Le médecin n’est pas une boîte qui retient tout ». « Le médecin voit tout, il a toutes les analyses, etc. ». « Grâce à l’ordinateur, la visite est moins longue, le médecin a tout sous le nez, il ne peut pas rater d’information ». « Toute l’histoire de santé des patients est visible en un coup d’oeil ».Les patients perçoivent ainsi une plus grande efficacité du suivi médical au niveau de la communication entre soignants qui soulève aussi de nombreuses questions. « Le médecin peut-il voir le dossier complet d’autres médecins, à l’hôpital aussi ? C’est ça qui est important ». « Normalement, oui », répond l’un. Pourtant, les médecins demandent parfois encore les résultats d’examens faits à l’extérieur ou certains spécialistes remettent des courriers pour le généraliste, remarque une autre. Une participante témoigne de l’intérêt du dossier informatisé qui lui a évité de réaliser deux fois le même examen car, au moment de le lui prescrire, le spécialiste a vu les résultats de cet examen dans son dossier. Un patient raconte que son dossier médical complet a été perdu lors d’un transfert par la poste d’un médecin généraliste non informatisé à la maison médicale. Heureusement, il avait gardé quelques traces lui-même. Il s’inquiète : « je suppose qu’il y a un back-up pour la conservation des dossiers médicaux ». Un autre relève que « ça dépend de nous aussi » ; il a constitué son propre dossier depuis 76. « A la maison médicale, c’est parfois un autre médecin qui nous reçoit. Grâce au dossier informatisé, il a très vite accès à l’information. ». Quelqu’un questionne la transmission, pour des médecins travaillant en privé, en cas d’absence prolongée d’un médecin. Le groupe conclut que cela dépend fort de l’organisation du médecin concerné. Au-delà de ce consensus sur l’intérêt de l’outil émergent deux questions centrales qui lui sont directement liées. Celle de la confidentialité à travers la gestion, l’utilisation et le transfert des données de santé. Et celle de la convivialité1, de « l’humain qui doit rester ». Dossier informatisé et confidentialité Des craintes plus ou moins importantes sont exprimées quant à l’indispensable sécurité pour la confidentialité du dossier, au respect du secret médical et au secret partagé (en interne à la maison médicale du fait du travail en équipe pluridisciplinaire ou vis-à-vis d’intervenants externes). Quel est le contenu du dossier ? Qui y a accès ? Ces questions ne sont pas propres à l’utilisation de l’informatique, mais celle-ci les exacerbe en ce qu’elle rend la circulation de l’information plus aisée, plus lisible… Aucun des participants ne les a déjà posées en tant que telles à son médecin. « Je ne l’embête pas avec ça, elle a autre chose à faire. C’est plus haut qu’il faut contrôler ». Un patient précise qu’il y a un code d’accès et ajoute : « j’espère que c’est entre médecins ». Un autre dit avoir eu, suite à l’invitation à cette rencontre, des idées de questions à poser à ce sujet. Le contenu du dossier et son partage En ce qui concerne le contenu utile à enregistrer comme à partager, les avis divergent. Pour certains, le patient doit pouvoir décider, en concertation avec son médecin, de ce qui figure ou non dans le dossier. Dans l’ensemble, les patients présents expriment leur souhait que le médecin traitant puisse noter dans le dossier informatisé des choses qui ne seront accessibles qu’à lui et pas aux autres médecins, bien que quelques personnes n’en voient pas la nécessité. Pour les premiers, il y a une différence à faire entre ce qui doit être noté dans le dossier et ce qui est personnel.
« Mon médecin traitant, c’est comme mon psy. J’annonce : ’aujourd’hui j’ai envie de parler’. Il sait qu’il ne doit pas noter au dossier. Il n’a pas le temps de taper de toutes façons 😉 ». « C’est certain, le médecin n’écrit pas ce qui est dit par le patient mais seulement le problème et le traitement ou juste une synthèse… ». « Je lui fais confiance », entendu pour distinguer ce qui doit être noté au dossier de ce qui ne doit pas l’être. « Ça dépend du sérieux du médecin ».Un patient témoigne de ce que, pour une transmission à un autre médecin, son médecin traitant lui lit le courrier qu’il a rédigé « pour accord ». Une autre précise que le dossier du psychiatre a un contenu confidentiel, même vis-à-vis des autres médecins. Ou encore qu’en tant que patient « on a le droit de demander que le docteur n’en parle pas pour éviter les interférences sur notre vie ». Une participante raconte ainsi que, lors d’un examen chez un spécialiste, celui-ci a lu dans son dossier qu’un membre de sa famille avait une maladie grave. Elle se demande pourquoi cette information figure dans son dossier transmis à cette personne alors qu’elle ne lui est pas utile. Un autre témoigne de son trouble quand un de ses soucis de santé a été évoqué avec sa compagne par un soignant. Une patiente raconte le malaise ressenti à la lecture d’un rapport médical la concernant, rapport qu’elle devait transmettre à un autre médecin. Elle y a lu un diagnostic dont on ne lui avait pas parlé. Ça l’a fortement perturbée. Elle s’est sentie blessée et inquiète. « Et c’est difficile ensuite d’en parler avec le médecin ». À partir de l’expérience d’une amie d’une participante, est évoqué le risque qu’un médecin colle une étiquette au patient à la lecture du dossier, d’un diagnostic ou d’une opinion d’un autre médecin. Cela pourrait l’empêcher d’aller plus loin dans son analyse. Le dossier informatisé risquerait-il de rendre l’information fluide à outrance et d’augmenter ainsi le risque de dérapage en matière de secret médical et de secret professionnel partagé ? Cette question éthique émerge en tous cas des échanges, comme un souci partagé par les patients. Transparence Ces exemples ramènent à la question de l’accès du patient à son propre dossier et, au-delà, à la qualité de la relation de confiance avec le soignant. La transparence du dossier pour le patient lui-même est discutée sous plusieurs angles. Selon plusieurs personnes, l’informatisation du dossier et la transmission de courrier imprimé à d’autres médecins par l’intermédiaire du patient augmentent les possibilités pour celui-ci de prendre connaissance du contenu, qui était bien souvent illisible auparavant. D’autres incidents et craintes sont évoqués. « Le médecin ne peut pas mettre dans le dossier quelque chose qui n’est pas dit au patient ». « C’est pour ça qu’ils n’aiment pas donner leurs dossiers », pour qu’on n’ait pas accès à tout ce qui y est enregistré, relève une patiente. Elle se souvient que, lors du changement de médecin pour passer à la maison médicale, son dossier était très mince et sans doute incomplet. Ou au contraire : « Il y a des choses qui doivent rester entre médecins », nous dit une participante, en précisant cependant « J’aimerais qu’on me le dise, et qu’on en débatte si je ne suis pas d’accord ». En encodant une opinion ou un diagnostic en « jargon médical », le médecin ne prendrait pas toujours en compte que les mots peuvent faire souffrir. Des divers témoignages partagés ressort l’importance « que le médecin fasse preuve de tact pour expliquer un diagnostic ». Un participant fait le parallèle entre les terminologies informatiques et médicales que le caractère technique peut rendre incompréhensibles pour le simple utilisateur ou le patient. Un autre participant relève qu’il y a des différences entre patients : « On n’est pas pareils ; les médecins font en fonction de cela ». Quelqu’un note que les soignants aussi sont tous différents : « Certains écoutent comme des psys, d’autres pas du tout ». Ces remarques nous rappellent le caractère unique de chacun et par là de chaque relation soignant-soigné et l’importance d’un dialogue basé sur un langage commun et accessible. Des questions éthiques peuvent en découler. L’intérêt du travail en équipe pluridisciplinaire pour débattre éventuellement d’une opinion ou d’un diagnostic est pointé. L’équipe mettrait du tiers dans la relation, faciliterait une prise de distance. Accès L’accès du patient à son dossier informatisé est également questionné. « On reçoit ses radios sur disquette, on ne sait rien en faire. Ils devraient imprimer à la demande. », témoigne une patiente qui n’utilise pas l’informatique. Un autre participant suggère la possibilité de demander à la maison médicale de le faire. Quelqu’un fait aussi remarquer que « Il y a dix ans, on ne pouvait pas avoir accès à son dossier. ». La notion de confidentialité amène à une réflexion et des échanges sur les dérives possibles, aujourd’hui et dans le futur, de la généralisation de l’informatisation du dossier médical. Une patiente raconte son étonnement quand elle a tapé son nom dans un moteur de recherche et constaté que n’importe qui pouvait trouver son âge, son état civil, combien d’enfants elle a… Elle en vient à se demander si « quelqu’un d’intelligent pourrait savoir mes maladies ». Qui a accès aux informations de santé ? « Les contributions ont tout, alors que ça devrait être exclusivement pour le médecin » affirme une participante. Certains se demandent ce qu’il y a et ce qu’il y aura sur la puce de la carte d’identité. « Nos dossiers devraient être sur la carte SIS, en cas d’hospitalisation à l’étranger par exemple. Mais ce n’est sans doute pas le même système informatique. Même les médicaments n’ont pas le même nom. ». « Dans l’avenir, il y aura sûrement une banque de données de santé organisée. Il faudra des back-up. ». « Le système n’est pas encore au point ». « Ca va se faire. ». « Tout cela se met en route ». « Qui y aura accès ? ». « Le contrôle doit venir d’au-dessus et qu’on ne doive pas s’en préoccuper ». « C’est pour dans 10 ans, je n’y serai plus, il n’y aura plus d’ordi », dit une patiente avec un clin d’oeil. Les deux groupes soulèvent la question du lien à craindre avec le monde du travail : quel accès au dossier médical à l’embauche ? Quel lien avec la médecine du travail ? Les risques de piratage sont aussi évoqués ainsi que le rôle des media qui suscitent la crainte, notamment en véhiculant des rumeurs :« On ne peut pas empêcher ça. Il ne faut pas trop y penser. C’est comme par rapport aux agressions dans le métro : il faut être vigilant mais pas stressé. ».
« L’informatisation, ok, à condition que l’humain reste car le risque c’est qu’on ne se parle plus, comme avec les boîtes vocales qui se multiplient (ce qui provoque des pertes d’emploi)… mais pas à la maison médicale ! ». « L’ordinateur est parfait mais il faut que cela reste humain, partout, en maison médicale, à l’hôpital, en privé. Un médecin qui dit bonjour au moins, ça ne prend pas de temps. ». « Il ne faut pas que la machine se mette entre le médecin et le patient ». « Le médecin ne passe pas son temps à l’ordinateur ; le contact humain est toujours là ».« Garder l’humain » et la convivialité Il ressort des échanges que la manière d’utiliser l’outil informatique est propre à chaque médecin. Une majorité des médecins de ces deux maisons médicales tapent sur le clavier au fur et à mesure de la consultation. Généralement, l’écran est placé sur le côté du bureau et le médecin l’oriente de sorte que le patient puisse le voir également. Dans d’autres cas, « On ne sait pas voir ce qu’il y a dessus. » mais « Si vous voulez, vous pouvez demander qu’il le tourne. ». Pour certains patients, c’est important : « J’ai envie de voir », « Il y une complicité au moment de la retranscription ; c’est possible d’en parler ». Pour d’autres pas, « ça ne m’inquiète pas » ; « je n’ai jamais fait attention à l’ordinateur ; je vois le médecin, je vois s’il me comprend. » ; « Le médecin tape à l’ordinateur pendant la consultation mais elle vous regarde en même temps. Je me sens écoutée. » ; « C’est rassurant de voir que le médecin encode (ordre, méthodique). Dans les premières minutes de consultation, je dis des choses qui me semblent anodines mais le médecin écoute et prend note ». Un médecin écrit puis encode ses notes après la consultation ; il prend du temps entre chaque patient. Un autre « passe plus de temps à l’ordi et n’est jamais en contact avec la personne. ». Un patient précise qu’il s’entend très bien avec ce médecin aujourd’hui, mais pas au début. « C’est une question de caractère du médecin » affirme un autre. « Il y a des différences entre médecins, c’est normal. ». « On s’habitue à une personne… ». Un participant remarque que « Grâce à la maison médicale, on peut choisir un médecin en fonction des affinités et pas s’en tenir au même pour toute la famille ». « A l’hôpital, on ne sait pas sur qui on va tomber et c’est « au suivant ! ». Je peux comprendre car ça tourne, il y a beaucoup de monde. ». « A l’hôpital, certains médecins, imbus d’euxmêmes, vous remballent. » La différence dans le contact humain et la convivialité ressentie à la maison médicale par rapport au privé ou à l’hôpital, fait l’unanimité. La pratique de groupe et la pluridisciplinarité apparaissent importantes à ce niveau, notamment par le rôle de « tiers » que l’équipe peut jouer dans la relation soignant-soigné. Les visites à domicile des kinésithérapeutes et infirmières sont citées. La qualité de la relation est pointée plus largement. « La maison médicale est super » ; « Ici le médecin prend le temps d’écouter » ; « Il y a une discussion, une relation, un dialogue » ; « On est bien accueillis, à l’accueil, par les infirmières, les médecins… » … et pour les groupes de discussions dont il est question ici, accompagnés de petit déjeuner ou sandwichs. Les activités collectives variées, « ce qu’on n’a pas chez un médecin isolé », sont perçues comme fondamentales, en lien direct et évident avec la santé (réunions d’information sur des thématiques santé, école du dos…) ou non. Ainsi, les activités artistiques, les promenades sont pointées. « J’espère que l’informatique ne va pas prendre la place de tout ça » ; « Ils s’investissent ». « Ils font beaucoup ». « Ils sont aux petits soins ». Plusieurs personnes témoignent de leur ressenti vis-à-vis de ces activités : elles rapprochent le médecin et le patient dans un temps hors de la relation asymétrique soignant-soigné ; il y a du respect et de l’ouverture. « On apprend à connaître les gens, à se sentir à l’aise » alors qu’ « ailleurs, on sent la carapace de certains médecins » ; « dans l’activité, le médecin est plus comme un travailleur social. ». Et aussi « ça revalorise » : « Je ne savais pas que j’étais capable de ça », exprime un participant à un atelier artistique. Des patients qui n’y ont jamais participé évoquent « les photos des créations de l’atelier exposées dans la salle d’attente, ça donne envie ». La recherche d’information en matière de santé sur internet est également discutée. Pour l’une, qui n’a pas d’ordinateur, ce serait intéressant : « Je ne parle pas beaucoup, je ne pose pas de questions ». Elle y voit donc la possibilité de trouver réponse à ses questions médicales, ce qui suscite plusieurs réactions : « Le médecin est là pour ça. » ; « Une recherche sur internet peut induire en erreur, amener des informations que le patient ne sait pas gérer ». Il s’agirait donc de privilégier le dialogue à la stricte utilisation de l’outil.
Question de santé et de société
La question de la place de l’informatique dans la relation de soins ouvre aussi sur sa place dans la vie de chacun et dans la société, sur son impact sur la manière d’être en relation. « De toute manière, on ne pourra pas s’en passer » affirme une participante qui se dit «dégoûtée ». D’autres surenchérissent devant le constat de l’omniprésence de l’informatique : « Les temps ont changé » ; « On doit vivre avec notre temps » ; « Il faut s’adapter » ; « C’est dans tous les domaines » ; « On ne sait plus vivre sans ». Est soulevée alors la question de l’adoption des nouvelles technologies à travers l’histoire : « Il y a 50 ans, les personnes âgées avaient peur du téléphone. ». Une patiente témoigne, en repensant à la réaction de sa mère, que même le frigo à son origine a été accueilli froidement dans certains foyers. Accélération technologique et fracture numérique « Mais maintenant tout va trop vite » précise un participant par rapport au progrès technologique. Le « trop » et « trop vite » apparaissent comme un ressenti partagé vis-à-vis du mode de fonctionnement de la société et de la perte de contact humain. « Tout se remplace très, trop vite contrairement aux livres qu’on garde toute sa vie. ». « Ils sont tous noyés, débordés. » dit un patient en évoquant l’absence de réponse aux courriels envoyés via le site internet de la maison médicale. Il a questionné le secrétariat à ce sujet. Ils lui ont dit n’avoir pas le temps de consulter ou traiter les mails en plus du téléphone, de l’accueil, etc. Il trouve d’ailleurs que ce n’est pas plus mal, qu’ils ne se laissent pas devenir « esclaves » de cet outil. Et ajoute que ça arrive même au téléphone ! « Il y a trop de demandes », constate un participant en faisant le parallèle avec le débordement de la justice. « Il faut l’être humain pour traiter l’information, or il est remplacé par l’ordinateur ! ». « Souvent, il n’y a plus de point de contact téléphonique, seulement un site web, même pour des choses officielles ». « Bientôt nous serons obligés d’avoir un ordinateur à la maison, pour la déclaration fiscale, etc. ». Cette constatation soulève la question de la fracture numérique, économique, sociale, culturelle et générationnelle et du potentiel d’exclusion qui en découle. Ainsi, une patiente senior relève qu’« il faut être jeune pour ça » mais que si elle avait quelqu’un pour lui montrer et l’aider en cas de problèmes techniques, elle s’y ferait sûrement vite. « Il y a aussi le coût de l’ordinateur » pointe un autre participant. Trouble dans la relation La notion de contact humain est également centrale : « On peut faire toutes ses démarches en restant chez soi. Pour la mutuelle, par exemple, je préfère aller chez Christian au bureau local qu’utiliser internet ». Le remplacement des cartes postales par des sms ou des emails est vivement regretté. « Ça me fait mal, à côté des cartes postales, surtout avec toutes les fautes 😉 ». La carte laissait une trace agréable à voir. Une mère explique qu’elle ne connait rien à l’informatique, malheureusement, mais que ses adolescents et son compagnon sont tout le temps sur l’ordinateur. « Il envahit la maison, prend trop de place. Il n’y a plus de temps pour communiquer, … ». « Ça remplace les jeux de société, les soirées familiales, mais il faut faire des recherches pour l’école,… c’est important donc il faut l’accepter. C’est un mal nécessaire ». Ce double constat fait écho chez plusieurs participants. « Trop d’écran pour les enfants, ce n’est pas bon » ; « Ils ne savent pas gérer, trop sont livrés à eux-mêmes. ». « La créativité des enfants diminue, de même que l’exercice physique, ça c’est une question de santé ! ». L’isolement des adolescents dans un monde parallèle au monde réel est soulevé. Les relations sociales et l’éducation arrivent au centre des débats. « Les jeunes doivent être mis au courant qu’il n’y a pas que ça [le virtuel] ». « C’est important pour les enfants d’apprendre à être gentil même avec un compagnon qu’on n’aime pas », dit l’une. Un participant évoque la campagne de la STIB pour la courtoisie : « On sent qu’on en a besoin ». « C’est la société qui change, on ne s’occupe plus des autres ; on est devenu égoïste. ». « Entre voisins, on ne se connaît pas ». « Les seniors se méfient ». « Ca dépend du caractère ». « Je bavarde avec les gens à l’arrêt du bus ». Une patiente témoigne qu’on l’aide souvent avec sa canne. « Certains jeunes sont vraiment bien, c’est inné », dit une autre. Un participant remarque que : « C’est dans la famille que cela s’apprend. Mais les mamans n’ont plus le temps de s’occuper de leurs enfants. ». Une patiente compare le médecin et l’instituteur : « c’est dur et il y en a de moins en moins ; c’est un apostolat. ». « Beaucoup de médecins devraient réapprendre la beauté de leur métier, se donner pour son patient ».Une juste place ?
Par un chemin différent, les deux groupes de discussion ont soulevé la question de la place à laisser à l’informatique, au-delà des soins de santé, dans la famille et dans la société en général. Parmi les enjeux soulevés : les changements induits dans les relations sociales, le rythme accéléré des évolutions technologiques et leurs impacts sur la vie quotidienne, et les risques liés à la fracture numérique. Sur le plan médical, des questions de secret et d’éthique ont été soulevées au niveau de la relation soignant-soigné et de l’accès du patient à son dossier comme au niveau de l’organisation du système de soins en ce qui concerne la création d’une banque de données de santé. Vis-à-vis de la maison médicale, le ressenti global est positif : « Ici, ils s’arrangent pour que la relation soit prioritaire. L’informatique passe inaperçue ; c’est un outil ». Ses avantages en termes de facilité et rapidité de gestion d’une information plus complète sont pointés. Et un patient conclut ainsi : « C’est le système des maisons médicales qui est bon ; il a de plus en plus d’attrait. ». Ainsi, à travers ces témoignages et échanges d’idées, les participants, s’ils sont confiants quant à l’informatisation des maisons médicales appellent à la vigilance sur les dérives possibles de l’outil, à la place qu’on lui donne et au cadre qui entoure son utilisation. Un débat qu’il pourrait être intéressant de poursuivre…Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 58 - octobre 2011
Les pages 'actualités' du n° 58
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